Extraits de Sri Aurobindo et Mirra Alfassa sur l’éducation :

Extraits de Sri Aurobindo et Mirra Alfassa sur l’éducation

Auparavant, l’éducation consistait à contraindre mécaniquement et la nature de l’enfant à suivre les sillons arbitraires d’un enseignement et d’une connaissance où sa subjectivité était bien la dernière chose considérée. De même, l’éducation donnée par la famille était une répression constante ; elle façonnait les habitudes de l’enfant, ses pensées, son caractère, pour les faire entrer de force dans le moule fixé par les idées conventionnelles ou par les intérêts et les idéaux particuliers des professeurs et des parents. Un pas en avant vers un système plus sain, parce que plus subjectif, fut la découverte que l’éducation devait s’efforcer de favoriser l’épanouissement des capacités intellectuelles et morales personnelles de l’enfant jusqu’à leur plus haute perfection, et se fonder sur une connaissance psychologique de sa nature ; mais cette découverte n’a pas atteint son objectif, parce qu’elle considérait encore l’enfant comme un objet que le professeur avait pour tâche de manipuler et de modeler- d’éduquer. Du moins commençait à percevoir que chaque être humain est une âme en croissance et que le devoir des parents et du professeur est de fournir à l’enfant les conditions et l’aide nécessaires pour qu’il s’éduqué lui-même, qu’il développe ses propres capacités intellectuelles, morales, esthétiques et pratiques, et croisse librement comme un être organique, sans qu’il soit besoin de le pétrir ne de le comprimer dans un moule telle une matière plastique.

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Non seulement la Science, mais l’Art, non seulement la connaissance livresque et les informations, mais l’approfondissement de la culture et le développement du caractère font partie de la véritable éducation ; aider l’individu à développer ses capacités, aider à former des penseurs et des créateurs, des hommes doués de vision et des hommes d’action de l’avenir, fait également partie de son travail.

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Tous les enfants aiment les belles histoires, ils ont le culte de l’héroïsme, tous sont des patriotes. Il faut faire appel à ces qualités, et c’est en les développant qu’ils maîtriseront, sans même le savoir, le vivant héritage historique et humain de leur pays. Tous les enfants sont des chercheurs, des explorateurs, des analystes, des anatomistes impitoyables. Faites appel à ces qualités, et ils acquerront naturellement le véritable esprit scientifique et les bases indispensables de la connaissance scientifique. Tous les enfants ont une curiosité intellectuelle insatiable et ils sont doués pour les questions métaphysiques. Il faut en profiter pour les ouvrir peu à peu à la compréhension du monde et d’eux-mêmes. Tous les enfants ont le don d’imitation et un certain pouvoir imaginatif. Il faut s’en servir pour développer en eux la fibre artistique.

Le sens esthétique

Quand le sens de la beauté en nous peut être touché par cette Beauté universelle et absolue, par cette âme de beauté, sentir sa révélation dans les plus petites comme dans les plus grandes choses, dans la beauté d’une fleur, d’une forme, la beauté et la puissance d’un caractère, d’une action, d’un événement, d’une vie humaine, d’une idée, d’un coup de pinceau ou de ciseau, ou dans un scintillement du mental, dans la couleur d’un coucher de soleil ou la grandeur d’une tempête, alors, il est réellement, puissamment et entièrement satisfait.

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La culture du discernement et du sens esthétique, la capacité de choisir et d’adopter ce qui est beau et harmonieux, simple, sain et pur ; car il y a une santé psychologique comme il y a une santé physique ; il y a une beauté et une harmonie des sensations, comme il y a une beauté des corps et de leurs mouvements. Dans l’éducation, à mesure que la capacité de comprendre croîtra chez l’enfant, il faudra lui apprendre à ajouter le goût artistique et le raffinement à la puissance et à la précision. Il faudra lui montrer, lui faire apprécier, lui apprendre à aimer les choses belles, hautes, saines et nobles, que ce soit dans la nature ou dans la production humaine. Ce devra être une véritable culture esthétique qui le protégera contre les influences dégradantes.

Car celui qui atteint à un vrai raffinement du goût se sentira empêché, par ce raffinement même, d’agir d’une façon grossière, brutale ou vulgaire. Le raffinement, s’il est sincère, apporte à l’être une noblesse et une générosité qui se traduiront spontanément dans sa façon d’agir et le mettront à l’abri de beaucoup de bassesses et de perversions.

La discipline

On peut imposer aux enfants une certaine discipline, les préparer à entrer dans un certain moule, les orienter sur une certaine voie, mais il faut que leur cœur et leur nature collaborent, autrement leur adhésion ne sera qu’une obéissance hypocrite et indifférente à une règle imposée, une adhésion formelle, souvent pleine de lâcheté.

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Contraindre n’est pas le meilleur ni le plus efficace principe d’éducation. La vraie éducation doit épanouir et révéler ce qui est déjà présent dans les êtres en formation. De même que les fleurs s’épanouissent au soleil, les enfants s’épanouissent dans la joie. Il va sans dire que joie ne signifie pas faiblesse, désordre et confusion — mais une bienveillance lumineuse qui encourage ce qui est bien et n’insiste pas sévèrement sur ce qui est mauvais.

Le discernement

Nous encouragerons les élèves à avoir une perception sincère, exact et correct. Développer la capacité de choisir ce qui est juste et sain plutôt que ce qui nous arrange et nous est agréable. Nous examinerons avec eux quelle est la source de leurs actions, d’où vient leurs impulsions, viennent-elles d’une ambition, de la satisfaction d’un désir, d’une intuition, d’une action juste. C’est seulement en observant ces mouvements avec beaucoup de soin, en les faisant passer, pour ainsi dire, devant le tribunal de notre idéal le plus haut, dans une volonté sincère de nous soumettre à son jugement, que nous pouvons espérer éduquer en nous un discernement qui ne se trompe point.

L’éducation morale

La première règle de l’éducation morale est de suggérer et d’inviter, et non de commander ou d’imposer. La meilleure méthode de suggestion s’appuie sur l’exemple personnel, les conversations quotidiennes et les lectures choisies suivant les besoins du jour. Ces livres doivent contenir, pour les tout jeunes élèves, les exemples les plus inspirants du passé, proposés, non comme des leçons de morale, mais comme des choses ayant un intérêt immense sur le plan humain ; pour les élèves plus âgés, ils présenteront les grandes pensées des grandes âmes, les pages de la littérature qui font naître les émotions les plus nobles et suggèrent les idéaux et les aspirations les plus hautes, les archives de l’histoire et les biographies qui montrent comment ces pensées, ces émotions et ces idéaux ont été vécus. C’est une façon, pourrait-on dire, de vivre en bonne compagnie…

Mais une telle méthode ne saurait porter tous ses fruits que si les jeunes ont l’occasion, dans leur propre vie et dans un domaine même limité, de manifester dans l’action leurs qualités morales naissantes. Ce peut être la soif de connaissance, la consécration de soi, la pureté, le renoncement…; le courage, l’ardeur, l’honneur, la dévotion, la noblesse, l’esprit chevaleresque, le patriotisme…; la munificence, l’adresse, l’application, l’esprit d’entreprise généreux et la libéralité….; l’effacement et le service plein d’amour…

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C’est une possession inestimable pour tout être vivant que d’avoir appris à se connaître et à se maîtriser. Par se connaître, j’entends savoir les motifs de ses actions, de ses réactions, le pourquoi et le comment de tout ce qui se passe en soi. Se maîtriser, c’est faire ce que l’on a décidé de faire, et ne faire que cela, sans écouter ni suivre ses impulsions, ses désirs, ses fantaisies.

Le mental

Progressivement, on montrera à l’enfant que tout peut devenir un sujet d’étude intéressant, pourvu que l’on aborde la question de la bonne manière. La vie de chaque jour, de chaque moment, est la meilleure des écoles, variée, complexe, riche en expériences imprévues, en problèmes à résoudre, en exemples frappants et clairs, en conséquences évidentes. Il est si facile d’éveiller une bonne curiosité chez les petits si l’on répond avec intelligence et clarté aux nombreuses questions qu’ils posent. Avec une réponse intéressante, on en suscite facilement d’autres, et ainsi l’enfant attentif apprend sans effort…

La concentration

Il est bien connu que la valeur d’un homme est en proportion de sa capacité d’attention concentrée ; plus la concentration est grande, plus exceptionnel est le résultat, à tel point qu’une attention concentrée parfaite et sans défaut imprime la marque du génie sur ce qu’elle produit.

De la même façon que l’athlète développe méthodiquement ses muscles par un entraînement scientifique et gradué, la faculté d’attention concentrée peut se développer scientifiquement par un entraînement méthodique – se développer au point d’obtenir que la concentration puisse se produire à volonté st sur n’importe quel sujet ou activité.

L’observation

L’observation et la comparaison des fleurs, des feuilles, des plantes et des arbres jetteront les bases de la connaissance botanique, sans encombrer le mental de noms et d’informations figées : celles-ci ne font que remplir la tête, et le jeune esprit, qui possède encore sa fraîcheur naturelle et n’a pas été perverti par des habitudes artificielles, ne peut que les détester. De la même façon, les fondements de l’astronomie peuvent être acquis par l’observation des étoiles, ceux de la géologie par l’observation de la terre, des pierres, etc., ceux de l’entomologie et de la zoologie par l’observation des insectes et des animaux. Un peu plus tard, on pourra initier l’élève à la chimie par l’observation d’expériences intéressantes, sans recourir à un enseignement académique et sans surcharger son mental de formules et d’un savoir livresque. Il n’est pas de sujet scientifique dont la maîtrise parfaite et naturelle ne puisse être préparée chez les tout jeunes enfants par cette éducation des facultés d’observation, de comparaison, de mémorisation et de jugement des diverses catégories d’objets. Cela peut se faire aisément et éveiller chez l’enfant un intérêt très vaste et très absorbant. Une fois qu’il y a pris goût, on peut faire confiance à l’enfant, il poursuivra cette étude avec l’enthousiasme de la jeunesse durant ses heures de loisir. Dès lors, il ne sera plus nécessaire, lorsqu’il aura grandi, de tout lui enseigner en classe.

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